And they're off! C'est un départ!
Chronique publiée par le Bulletin d'Aylmer le 12 décembre 2012, le 12 du 12 du 12!!!!
Connaught Park, 1970, Pierre McNicoll au micro, l’adrénaline est à son max. « Show time à Aylmer! » Mike Hammon aux côtés de Pierre, tous deux avec des jumelles pour suivre la course. J’étais installée à une table juste à côté d’eux, crayon en main et tout oreilles pour bien noter rapidement l’évolution de la course telle qu’ils la décrivaient. « Au quart de mille, le #8 en tête, suivi du #2, Joy, conduit par… en avance d’une longueur sur Bad Boy le #5… at the half mile post, 8 and 2 now head to head, neck to neck», annonce Pierre, « And they’re into the stretch, Lady X à l’extérieur du peloton... » Adrénaline. J’étais alors la « marqueuse », dans la petite cabane juchée sur le toit de l’édifice, cabane qu’on peut encore apercevoir quand on passe devant les restes/ruines de l’hippodrome Connaught. Dure à battre cette job.
Quelques heures auparavant, c’était un autre départ, celui de plusieurs jeunes d’Aylmer qui quittaient le cœur du village, direction Connaught, notre employeur – empilés dans des autos ou encore alignés en haut de la Principale, le pouce sorti pour attraper un ‘lift’. Le transport en commun, on connaissait ça.
En quelques minutes, on y était – vendeurs, caissiers, « runners » (ils devaient courir avec l’argent aux cris des vendeurs), sous la supervision de Garnet Guertin. Ici et là derrière nous sur la ligne, les gars d’Agriculture Canada, genre de policiers qui veillaient à ce qu’il n’y ait pas de tricherie au pari mutuel. D’autres travaillaient dans la ‘banque’, d’autres dans le « calculating room »; cette dernière avait un calculateur/pré-ordinateur monstre qui occupait tout un mur. Et les propriétaires, la famille Gorman, qui dépassaient tout le monde de plus d’une tête, mesurant tous plus de 6’5’’, avaient l’œil rivé sur les paris.
Dix courses au programme. On ne niaise pas. « Les paris sont ouverts ». Tout le monde à son poste, la vente de billets commence. On n’a que 10-15 minutes de vente et à la dernière c’est la folie furieuse, les vendeurs pitonnent à 100 milles à l’heure, les « runners » courent partout; aux dernières secondes, les clients se jettent sur les machines en criant des numéros en Win/Place/Show, Round Robin ou Exacta. Les vendeurs pitonnent. L’argent change de mains. Adrénaline. « And they’re off! C’est un départ! » Vite l’argent dans le sac puis lancé dans la chute – ça tombe directement dans la ‘banque’. Un vendeur reste pris avec un billet, ce sera déduit de sa paye. Une fois, un vendeur a ainsi gagné 900$; il a dû se cacher pour l’encaisser.
Une des meilleures jobs qu’on a eues, en disent plusieurs. Évidemment, ce n’est pas à cause de la paye, mais à cause de cet atmosphère particulier – un groupe de jeunes (et moins jeunes) qui travaillaient côte à côté dans cette urgence du « show time ».
C’était beau à voir aussi : belle piste, immense tableau de bord, écuries, jockeys avec leurs beaux costumes, ambleurs et trotteurs, paddock, bureau du secrétaire des courses, hommes à chevaux un peu partout. Il y a eu des courses importantes ici dont le mille en 1 :58.3 min de Silent Majority conduit par Stanley Dancer, en juillet ‘72. Il y a eu le conducteur Hervé Filion d’Angers, champion nord-américain, millionnaire de ce sport qui a fait ses débuts à 17 ans ici, à Aylmer, et plein d’autres qui arboraient les couleurs de leurs écuries – les Carisse, les O’Dwyer, les Plouffe (la famille presqu’au complet, dont Georgette, une première femme à conduire), etc.
Aujourd’hui, un dernier départ à Connaught Park. Un village urbain? Non. Dernière nouvelle, un éco quartier, hein? J’espère que le comité de toponymie a pensé à donner aux rues de ce quartier des noms qui permettraient de ne jamais anéantir complètement l’âme du site historique du Parc Connaught – rues du Paddock, du Départ, du Pari, du Fil d’arrivée, de la Barrière, de l’Ambleur, du Trotteur, Silent Majority (ou, de la Majorité silencieuse!!! Ah, ça j’aime ça!). On vote là-dessus?
La semaine prochaine, une autre page de la petite histoire d’Aylmer.