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Et si demain...       Carolle Bertrand
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9 août 2017

Des pèlerins sur le Camino

Chronique publiée par le Bulletin d'Aylmer le 9 août 2017

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       Que d’émotions quand je pense à toutes ces rencontres au fil des kilomètres. La semaine dernière j’avais entrepris d’écrire sur les pèlerins. Je relis la chronique dans le but de poursuivre et j’ai la  chair de poule. Remplie de gratitude. Honnêtement, je les trouvais un peu fatigant les ex-caminotiens qui parlaient de ces rencontres... Là, je les comprends. Des rencontres précieuses.

       Je disais donc (dans la dernière chronique), « À l’approche de la Cruz de Ferro, les deux filles de Jérusalem. » Cette croix de ferre se situe à 1 500 mètres d’altitude (après environ 570 km de marche), soit le plus haut point sur le Camino francés. Il y a plusieurs théories et légendes entourant son symbolisme mais chose certaine, depuis le 11e siècle, la Cruz de Ferro est un jalon important du Camino. La tradition veut que les pèlerins transportent avec eux, depuis le début du chemin, une pierre qui représente un « poids » qu’ils traînent avec eux dans la vie. Ils déposent la pierre au pied de la croix et s’en libèrent.

        En tout cas, je marchais seule et j’aperçois au loin la fameuse croix. J’avais imaginé ce moment, le recueillement, etc. comme dans le film « The Way ». Là, j’y suis presque et un flux d’émotions m’envahit. J’enlève mon sac pour y pêcher ma mosusse de pierre, j’essaie de remettre mon sac, j’ai d’la misère et j’éclate en sanglots. Arrive à mes côtés une fille qui m’aide à remettre mon sac et à l’attacher en gardant une main bienveillante sur mon épaule. Arrive une deuxième fille (femme) qui me regarde un instant, se met à pleurer et me dit dans un anglais boîteux « Je comprends tout ». Les deux filles de Jérusalem. On se rend ensemble à la Cruz. L’une d’elles offre de me prendre en photo avec mon cellulaire. Au pied de la croix, il y a une montagne de pierres – des pierres ordinaires, d’autres décorées, des messages, etc. J’entreprends de grimper le monticule de pierres pour la photo. La fille me crie « non, non, ne marche pas sur les problèmes des autres! » Bâzouelle, en un saut pis un pet j’ai déguerpi de là, essuyé mes semelles et me suis placée à la base pour la photo. Alors que je m’étais imaginé déposer solonellement la pierre, elle me dit « Allez, lance-la, débarrasse-toi de ça! ». Moment de bonheur.

       J’ai marché le reste de la journée avec les deux filles de Jérusalem. Malgré la barrière de la langue, on s’est bien débrouillées pour communiquer l’essentiel. Elles passent deux semaines par année sur le chemin, lentement, en appréciant chaque pas, chaque rencontre. Elles ne marchent pas comme les autres. En route, elles m’ont demandé de leur chanter quelque chose en français. « Mille après mille… », la chanson de mon camino s’est imposée. Elles ont chanté le refrain avec moi à répétition, ont enregistré la chanson sur leur cellulaire. Elles comptaient la répandre dans leur coin. L’une d’elles a un fils qui chante dans les rues… il allait la chanter dans les rues de Jérusalem. « Un jour quand mes voyages auront pris fin, et qu’au fond de moi j’aurai trouvé, cette paix… ». Chair de poule, larmes de joie.

       Sur le camino, les nouvelles circulent, c’est capotant. Tu apprends ce qui s’est passé hier à 200 km en avant ou en arrière. Or, j’avais entendu parler d’une femme qui était tombée face première dans une descente, l’ambulance était venue la chercher. Ben, deux jours plus tard, en pause sur un muret, je l’ai vue passer, je ne pouvais pas me tromper. Je lui ai dit « Oh lala, c’est toi! Comment vas-tu?» On a échangé un moment. Son visage était complètement meurtri, enflé, bleu-rouge vin, un œil fermé. Elle était partie de Burgos, chute au jour 1. Elle avait décidé de poursuivre. Je l’ai revue quelques fois au cours des jours suivants et après non. Plusieurs semaines plus tard, alors que j’assistais à la messe à la cathédrale de Santiago avec le botafumerio (géant!) qui se balançait au-dessus de nos têtes, je l’ai aperçue. Elle était là. Ça avait tout guéri. Je l’ai reconnue par ses cheveux et son regard. Elle s’était rendue à destination! Chair de poule, larmes d’empathie.

       Paul, un américain de 79 ans, voulait se prouver qu’il pouvait réaliser un tel périple. J’ai marché avec Paul le jour 2. On a eu des conversations super intéressantes. Il avait réservé ses premières nuits dans les auberges. Arrivés à Espinal, où il avait une réservation, il s’arrête et cherche désespérément son papier. Moi, j’avance, je l’attends plus loin. Il cherche toujours. J’ai envie et ça presse. Je finis par trouver une toilette. J’en ressors et Paul est disparu. Je ne l’ai plus revu. J’espère qu’il a pu se rendre au bout de son rêve, je pense à lui souvent.

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