Haïti chante toujours

Clins d’œil de la Vie

Carolle Bertrand

Chronique publiée par le Bulletin d'Aylmer le 3 février 2010

Haïti chante toujours

Y a-t-il des mots? Je n’en trouvais pas. 

Exceptionnellement, j’ai allumé la télé pour en savoir plus.

Bien sûr, nous touche ce qui nous touche, différent pour chacun et fonction de notre vécu personnel. Quelle horreur, on s’entend! Quelle douleur, on s’entend! Peuple éprouvé plus qu’à son tour, on s’entend… mais, quelque part, gardien du Soleil.

Haïti chante toujours.

Bouleversée, bien sûr, par les images et par ce que racontaient les reporteurs, les barrages à mes yeux ont lâché quand j’ai entendu le reporteur-vedette américain, Anderson Cooper, dire que, dans le noir, soir ‘1’, il entendait chanter des gens dans le grand parc derrière lui. Chanter?

Chanter pour survivre, chanter pour vivre, chanter pour trouver un sens, chanter pour être, chanter pour rejoindre son Soleil, Le Soleil. Ici, au Québec, au Canada… en général, on ne fait pas ça, ça ne fait pas parti de notre culture – il fait peut-être trop froid, il fait peut-être trop gris.

Je chante, j’ai toujours chanté – mais, tout l’temps! Pas d’farces! – en sourdine la plupart du temps, mais toujours, au minimum, un fredon. C’est dans des films, il y a très longtemps, que j’ai d’abord découvert ces gens, d’origines autres que la mienne, dont la culture était différente de la nôtre. Les esclaves, entre autres, qui chantaient dans les champs de coton, tout en bêchant… « Soon I will be done a with the troubles of the world… ». Puis d’autres, vivant dans des conditions qu’on qualifierait d’« épouvantables », rayonnants de sourires, bras levés vers le ciel, qui sautaient, dansaient et chantaient sur des musiques des plus ensoleillées. Leur exemple m’a rendu grand service, m’a indiqué un ‘autre chemin’,  m’a mis sur une ‘autre piste’  -- ici, on ne pouvait pas me l’apprendre. Chanter, chanter la « gloire de Dieu » (façon de parler), chanter au travers, laisser chanter l’âme, envers et contre toutes les épreuves de la vie terrestre et rejoindre son vrai chez soi, son vrai Soleil.

Voilà que cet événement, cette catastrophe, m’a donné le coup d’envoi pour aller de l’avant avec cette chronique qui veut voir le jour depuis quelque temps. Que faisons-nous de nos vies? Qu’est-ce que je fais de ma vie? Est-ce réellement un cadeau, cette vie? Comment faire pour qu’elle nous sourit?  Quel sens lui donner?

Le mardi 12 janvier 2010, à 16h53, en quelques minutes, des dizaines de milliers d’anges se sont envolés d’Haïti pour faire rapidement le tour de la planète et, de manière exponentielle et exceptionnelle, sont allés toucher, ouvrir le cœur du monde. Souvent, les cœurs, ils doivent être crevés pour s’ouvrir. Aujourd’hui, je ne suis pas la seule à me demander si je suis réellement au service de la Vie. Pouvons-nous faire mieux? Puis-je faire mieux? Quoi faire? Ce Soleil pourrait-il me guider?

Et, les larmes de douleur/joie invisibles continuent de couler sur une musique ensoleillée qui l’emportera.

Haïti chante toujours.

Carolle Bertrand est native d’Aylmer – chanteuse, auteure-compositeure, artiste visuelle et professeure de voix. Pour découvrir son art visuel, visitez http://www.etsy.com/shop/ThouArtSong